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04/01/2024

Déwé Gorodé

Déwé Gorodé - Photo: gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Déwé Gorodé

Épéri Déwé Görödé-Pourouin (noté Gorodey par l’état civil, graphie qu’elle utilise en politique) est née le 1er juin 1949, dans la tribu de l’Embouchure, dans la commune de Ponérihouen (Pwârâiriwâ en paicî, littéralement “l'embouchure de la rivière”), sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie. Elle s’est éteinte le 14 août 2022 à l’hôpital de Poindimié, après de longues années de maladie, à l’âge de 73 ans. 
 
« J’ai aimé écrire assez jeune », confie-t-elle[1]. Sans doute parce qu’elle aimait écouter les histoires, celles de sa terre et celles d’ailleurs. Des histoires que lui contait son père, Waia Görödé (décédé en 1981), un disciple de Maurice Leenhardt[2]. Il s’en confia dans un recueil : Souvenirs d'un Néo-Calédonien ami de Maurice Leenhardt, reprographié par son fils Raymond Leenhardt en 1977, et un manuscrit, écrit en français, paicî et ajië, intitulé Mon école du silence, dont elle travaille à l’édition commentée, avec le professeur Bernard Gasser. Par ailleurs, ses deux grands-pères, les pasteurs Pwëdé Philippe Görödé et Cau Elaisha Nâbaï, élèves et informateurs de Maurice Leenhardt, ont laissé de nombreux écrits en langues ajië et paicî sur la tradition orale.
Orateurs traditionnels, ils ont également entretenu une très longue correspondance avec Maurice Leenhardt en ajië, comme le fera plus tard Waia Görödé, avec Raymond Leenhardt.
 
« Mon père nous racontait, en langue paicî des contes comme Le Petit Poucet, ou même l’histoire de Gavroche des Misérables. Mes grandes sœurs rapportaient des livres de prix, des contes… Je dévorais les livres de lecture. » En grandissant, l’ogresse des livres allait se faire conteuse.
 
Ses études littéraires à Montpellier, de 1969 à 1973, marquent les vrais débuts de l’écriture poétique, la découverte des écrivains de la négritude, des romantiques et de Marx...
Révélateur en matière d’écriture, ce séjour en France est également le déclencheur d’une prise de conscience politique. À son retour, elle rejoint les Foulards rouges, puis le Groupe 1878, mouvements contestataires kanak nés de mai 1968. En mai 1976, elle participe à la création du Palika, un parti politique prônant l’indépendance kanak. Chargée des relations extérieures, elle participe à des missions du front indépendantiste dans le Pacifique, en Australie, en Algérie, au Canada, au Mexique et à l’ONU.
Licenciée en lettres modernes, elle commence à enseigner en 1974, d’abord le français, puis le paicî, et enfin la littérature océanienne, au Mont-Dore, à Houaïlou (1983), Poindimié (1996), et Nouméa (1999), à l’université de la Nouvelle-Calédonie. En 1985, elle participe à l’expérience des EPK, écoles populaires kanak, créées dans la mouvance des Événements qui secouent l’archipel.
 
Son engagement politique dans diverses organisations indépendantistes lui vaut d’être incarcérée au Camp Est, la prison de Nouméa, en 1974 et 1977. Elle y compose une partie de son premier recueil de poésies, Sous les cendres des conques, publié en 1984, qui témoigne de sa volonté de faire entendre une voix kanak qui dise sa quête militante et son attachement aux racines de sa culture. Avec cette œuvre, elle tente ce qu’elle appelle « une interprétation poétique de l’histoire ». Pendant de longues années, elle privilégiera cependant le combat politique à l’écriture, « C’est peut-être aussi pourquoi j’ai publié très tard », explique-t-elle[3].
 
En 1994, paraissent Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier et L’Agenda (aux éditions Grain de sable, puis réédités et augmentés en 1996, aux éditions Madrépores), deux recueils de nouvelles où elle exprime le lien à la terre et la place de chacun dans une société en voie de reformulation. « Les deux recueils font une place importante aux femmes kanak d’aujourd’hui, dans le lien inaliénable qu’elles entretiennent avec le passé. Habitées par le devoir de mémoire, mémoire des souffrances d’autrefois, des luttes qui cimentent de nouvelles alliances sans faire oublier les anciennes, elles puisent ainsi leur force dans la tendresse qui habite les cœurs des autres femmes », résume Dominique Jouve[4].
En 1996, elle publie également Par les temps qui courent, un recueil d’aphorismes où « le style s’évertue à moderniser l’apophtegme en rejoignant l’humour populaire des tribus. Les maximes deviennent lapidaires… », résume Hamid Mokaddem[5].
 
En 1999, au lendemain de l’Accord de Nouméa, elle est l’une des deux premières femmes élues de l’UNI à l’assemblée de la province Nord, et se voit confier les secteurs de la Culture, de la Jeunesse et des Sports au Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Elle participera à tous les gouvernements qui suivront (en 2001, 2004, 2009, 2011, 2014 et 2015), assumant même la vice-présidence jusqu’en 2009. À compter de cette date, elle est également en charge de la Condition féminine et de la Citoyenneté, jusqu’à la fin de son dernier mandat en 2019.
 
Elle poursuit parallèlement son chemin d’écriture en signant avec Nicolas Kurtovitch Dire le vrai et Le Vol de la parole avec Weniko Ihage, mais une large partie de son œuvre reste inédite. En 2000, à l’occasion du VIIIe Festival des arts du Pacifique à Nouméa, elle s’essaye au théâtre avec Kënâké 2000, mis en scène par Pierre Gope, au théâtre de Poche.
 
L’Épave, son premier roman, et le premier roman kanak jamais publié, paraît aux éditions Madrépores à l’occasion du deuxième Salon international du livre océanien (SILO), en octobre 2005 ; il est réédité en 2007 et en 2019. Il reçoit un accueil médiatique discret, voire gêné, mais le premier tirage est rapidement épuisé alors qu’il est sélectionné pour la douzième édition du prix RFO du livre 2006, aux côtés de Maryse Condé, Ousmane Diarra et Ananda Devi, qui en sera la lauréate. L’année suivante, L’Épave reçoit le prix Popaï du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au SILO 2007, à Poindimié.
 
En 2008, Jean-Marie Gustave Le Clézio, recevant le prix Nobel de littérature, associe Déwé Gorodé à d’illustres auteurs internationaux, français ou ultramarins qui l’ont accompagné dans son chemin d’écriture lors de la conférence qu’il donne à cette occasion.
 
Graines de pin colonnaire, un second roman composite, paraît aux éditions Madrépores à l’occasion du SILO, en septembre 2009. 
Son troisième roman, Tâdo, Tâdo, wéé ! – No More Baby, est édité par Au vent des îles, à Tahiti, en 2012, dans la collection Littérature du Pacifique. 
En 2014, les éditions Vents d’ailleurs (La Roque-d’Anthéron, France), publient À l’orée du sable, un recueil de poèmes, suivi en 2016 par Se donner le pays, aux éditions Bruno Doucey (Paris), composé avec la poétesse Imasango, unissant ainsi leurs deux voix, « l’une kanak, l’autre métisse, pour rappeler que la poésie est un territoire de paix ».
 
G. B.

[1] Interview recueillie par Blandine Stefanson, Notre librairie, revue des littératures du Sud, nº 134, Paris, 1998.
[2] Ainsi que son père, le pasteur Philippe Görödé (1890-1972).
[3] Interview recueillie par Blandine Stefanson, Notre librairie, revue des littératures du Sud, nº 134, Paris, 1998.
[4] Le Mémorial calédonien, t. X, Nouméa, 1998.
[5] Chroniques du pays kanak, t. III, Nouméa, 2000.

Lire également: Disparition de Déwé Gorodé


Au catalogue Madrépores

L’Épave, roman, prix Popaï de la Nouvelle-Calédonie 2007,
Déwé Gorodé, 2005, réédité en 2019.
 
Graines de pin colonnaire, roman,
Déwé Gorodé, 2009.
 
Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, nouvelles,
Déwé Gorodé, 2015.
 
L’Agenda, nouvelles,
Déwé Gorodé, 2015.
 
La Vieille Dame, nouvelles,
Déwé Gorodé, 2016.


Bibliographie de Déwé Gorodé

POÈMES

Sous les cendres des conques, poèmes,
Édipop, Nouméa, 1985.
 
Par les temps qui courent, aphorismes,
Grain de Sable, Nouméa, 1996.
 
Dire le vraiTo tell the Truth, avec Nicolas Kurtovitch, poèmes, traduits par Raylene Ramsay et Brian Mackay,
Grain de Sable, Nouméa, 1999.
 
Avant que la nuit tombe, poésie,
Avec Frédéric Ohlen et Nicolas Kurtovitch,
ill. de Mathieu Venon,
L'Herbier de Feu, Nouméa, 1999.
 
À l’orée du sable, poèmes,
Vent d’ailleurs, La Roque-d'Anthéron, 2014.
 
Se donner le pays, poèmes,
Avec Imansango, préface de Murielle Szac,
Éditions Bruno Doucey, Paris, 2016.

THÉÂTRE

Kënâké 2000, une adaptation du jèmââ de Téâ Kënâké, théâtre, pièce inédite mise en scène par Pierre Gope,
au théâtre de Poche, Festival des arts du Pacifique, Nouméa, 2000.

NOUVELLES

Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, nouvelles,
Édipop & Grain de Sable, 1994, rééd. Madrépores, 2015.
 
L’Agenda, nouvelles,
Grain de Sable, Nouméa, 1996, rééd. Madrépores, 2015.
 
Le Vol de la parole, avec Weniko Ihage, nouvelles,
Édipop, Nouméa, 2002.
 
La Vieille Dame, nouvelles,
Madrépores, 2016.

ROMANS

L’Épave, roman, prix Popaï, 2006,
Madrépores, Nouméa, 2005.
 
Graines de pin colonnaire, roman,
Madrépores, Nouméa, 2009.
 
Tâdo, Tâdo, wéé ! – No More Baby, roman,
Au vent des îles, Pirae (Tahiti), 2012.

TRADUCTIONS

Dire le vraiTo Tell the Truth, avec Nicolas Kurtovitch, poèmes,
traduits par Raylene Ramsay et Brian Mackay,
Grain de Sable, Nouméa, 1999.
 
The Kanak Apple Season, nouvelles,
traduites par Peter Brown,
Pandanus Books, Canberra (Australie), 2004.
 
Sharing as Custom Provides, poèmes,
traduits par Raylene Ramsay et Deborah Walker,
Pandanus Books, Canberra (Australie), 2005.
 
The Wreck (L’Épave), roman,
traduit par Deborah Walker Morisson et Raylene Ramsay,
Little Island Press, Auckland, (Nouvelle-Zélande).

TRADUIT PAR DÉWÉ GORODÉ

Pierre noire, de Grace Mera Molisa, poèmes,
traduits par Déwé Gorodé,
Grain de Sable, Nouméa, 1997.

ESSAI

Trente ans du Palika – En chemin vers la citoyenneté, essai,
Édipop, Nouméa, 2006.

ANTHOLOGIES ET OUVRAGES COLLECTIFS

Blood on their Banner, Nationalist Struggles in the South Pacific,
David Robie, éd. Zed Books ltd, Londres (Grande Bretagne), 171, éd. First Avenue, New Jersey (États-Unis), éd. Pluto Press Australia & New Zealand, 1989.
 
Nouvelle-Calédonie – Un paradis dans la tourmente,
Alban Bensa, Gallimard, Paris, 1990.
 
A New Oceania – Rediscovering our Sea of Island,
Epeli Hau’ofa, Eric Waddel, Vijay Naidu, ed. University of South Pacific, School of Social and Economic Development, Suva (Fiji), 1993.
 
Die SüdseeInselwelten im Südpazifik, nouvelle,
Sabine Ehrhart, éd. Dumont Buchverlag, Cologne (Allemagne), 1993.
 
Paroles et écritures. Anthologie de la littérature néo-calédonienne,
François Bogliolo, Les Éditions du Cagou, Hachette Calédonie, Nouméa, 1994.
 
Avant-propos , in Chroniques du pays kanak, t. 4 :
« Mutations », encyclopédie,
Coll. sous la dir. de Gilbert Bladinières, Planète Mémo, Nouméa, 1999.
 
Nouvelles d'Océanie 1 : vol. 91, Anthologie permanente de la nouvelle, nouvelles,
Coll. sous la dir. de Daniel Delort,
Brèves/Pour la nouvelle, Villelongue-d'Aude, 2010.
 
Éclaire nos pas... Quinze ans de poésie — Nouvelle-Calédonie 1995-2010, poésie,
L'Herbier de Feu & le Club des amis de la poésie, Nouméa, 2011.

14/08/2022

Disparition de Déwé Gorodé

 


Déwé Gorodé s’est éteinte le 14 août 2022, à l'âge de 73 ans, à l’hôpital de Poindimié, après de longues années de maladie.

Épéri Déwé Görödé-Pourouin (noté Gorodey par l’état civil, graphie qu’elle utilisait en politique) était originaire de la tribu de l’Embouchure, dans la commune de Ponérihouen (Pwârâiriwâ en paicî, littéralement « l'embouchure de la rivière »), sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie, où elle est née le 1er juin 1949.

Avec la disparition de Madame Déwé Gorodé, la Nouvelle-Calédonie perd sa plus grande figure culturelle. Respectée sur le plan local pour ce qu’elle a accompli et son chemin militant ; célébrée sur le plan régional et international pour sa personnalité et son travail ; étudiée à travers le monde pour son écriture singulière dans les sections littéraires de grandes universités – notamment en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux États-Unis, au Japon…

En 2008, Jean-Marie Gustave Le Clézio, recevant le prix Nobel de littérature, l’associait à d’illustres auteurs français, ultramarins ou internationaux, qui l’ont accompagné dans son chemin d’écriture lors de la conférence qu’il donne à cette occasion.

En Nouvelle-Calédonie, elle laisse le souvenir d’une femme vraie, engagée pour ses convictions, ouverte à la multiculturalité et à son affirmation artistique et culturelle dans le bassin Pacifique : tous ceux, d’horizons divers qui, par sa volonté, ont représenté le pays dans les manifestations régionales et internationales peuvent en témoigner.

Elle nous laisse aussi son œuvre : poèmes et aphorismes, nouvelles et romans, nombre de collaborations amicales avec d’autres grands auteurs du pays et, surtout, une voix. Celle de la conteuse, un talent hérité de son père, Waia Gorodé (décédé en 1981), auteur d’un recueil : Souvenirs d’un Néo-Calédonien ami de Maurice Leenhardt, d’un manuscrit, écrit en français, paicî et ajië, intitulé Mon école du silence, dont elle s’applique à préparer l’édition commentée pendant de longues années, avec le professeur Bernard Gasser.

Ses études littéraires à Montpellier, de 1969 à 1973, marquent les vrais débuts de l’écriture poétique, la découverte des écrivains de la négritude, des romantiques et de Marx…

Révélateur en matière d’écriture, ce séjour en France est également le déclencheur d’une prise de conscience politique qui déterminera son engagement et lui coûtera la prison.

Licenciée en lettres modernes, elle commence à enseigner en 1974, d’abord le français, puis le paicî, et enfin la littérature océanienne, au Mont-Dore, à Houaïlou (1983), Poindimié (1996), et Nouméa (1999), à l’université de la Nouvelle-Calédonie.

Après la publication de poèmes ou d’aphorismes, seule ou en collaboration (Sous les cendres des conques, en 1985 ; Par les temps qui courent, en 1996 ; Dire le vrai, en 1999 ; Avant que la nuit tombe, en 1999) et de deux recueils de nouvelles très remarqués où elle exprime le lien à la terre et la place de chacun dans une société en voie de reformulation (Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, en 1994, et L’Agenda, en 1996), elle s’essaye au théâtre avec Kënâké 2000, mis en scène par Pierre Gope, au théâtre de Poche, à l’occasion du VIIIe Festival des arts du Pacifique à Nouméa.

En octobre 2005, Déwé Gorodé signe enfin, avec L’Épave, le premier roman kanak.

Son premier roman.

Une œuvre singulière, traversée d’oralité kanak contemporaine, de récits anciens, de chants et de poèmes profondément originaux. Il reçoit un accueil médiatique discret, voire gêné, mais le premier tirage est rapidement épuisé alors qu’il est sélectionné pour la douzième édition du prix RFO du livre 2006, aux côtés de Maryse Condé, Ousmane Diarra et Ananda Devi, qui en sera la lauréate.

Comme je l’écrivais en 2005, « L’Épave n’est pas un roman de plus : c’est une œuvre fondatrice d’une écriture kanak contemporaine, inventive et courageuse, la voix d’une femme qui brise le silence autour des maux du sexe et des violences faites à ses pairs.

Dans la langue qui lui est propre, elle croque, page après page, des portraits d’hommes et de femmes, composant par touches parfois crues, parfois gaies, parfois sombres, un tableau sans fard des passions qui ravagent les êtres. Sans faux-semblant, sans pudeur hypocrite, elle choisit de dire le désarroi des femmes salies, abusées dès l’enfance, parfois au sein même de leur famille, soumises physiquement et moralement au bon vouloir du sexe fort, parfois sans résistance, mais jamais sans conscience. »

De nombreux autres livres suivront : Graines de pin colonnaire, un second roman composite, en septembre 2009 ; Tâdo, Tâdo, wéé ! – No More Baby, en 2012 ; À l’orée du sable, un recueil de poèmes, suivi en 2016 par Se donner le pays, édité à Paris et composé avec la poétesse Imasango, unissant ainsi leurs deux voix, « l’une kanak, l’autre métisse, pour rappeler que la poésie est un territoire de paix ».

Déwé Gorodé nous laisse une remarquable œuvre littéraire, mais pas seulement. En 1999, au lendemain de l’Accord de Nouméa, elle est l’une des deux premières femmes élues de l’UNI à l’assemblée de la province Nord et se voit confier les secteurs de la Culture, de la Jeunesse et des Sports au conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Elle participera à tous les gouvernements qui suivront (en 2001, 2004, 2009, 2011, 2014 et 2015), assumant même la vice-présidence jusqu’en 2009. À compter de cette date, elle est également en charge de la Condition féminine et de la Citoyenneté, jusqu’à la fin de son dernier mandat en 2019.

Son héritage politique est également un remarquable travail de construction à l’échelle du pays, tant elle est soucieuse de le doter d’outils structurants : l’académie des Langues kanak, la Sacenc, le Poemart, la maison du Livre de Nouvelle-Calédonie, la case des artistes, les maisons de la femme, le salon international du livre océanien, le festival des Arts du pays, Empreintes - projet artistique et culturel du médipôle de Koutio, et tant d’autres combats pour l’enseignement des langues vernaculaires et la place des femmes dans la société contemporaine.

Un héritage précieux que ses successeurs devraient s’attacher à protéger.

Son absence nous blesse.

Nos pensées vont à ses proches : sa famille, son clan, sa chefferie, mais aussi à ses amis, ses compagnons d’écriture, ses lecteurs, à tous ceux qu’elle a aimés et accompagnés.

La parole des poètes ne meurt jamais.

Gilbert Bladinières

20/10/2016

La Vieille Dame

 La Vieille Dame



La Vieille Dame

Déwé Gorodé

Nouvelles

Dépôt légal: 2016
Nombre de pages : 92
Format : H 20 x L 13 cm
Prix : 1 800 francs CFP
Maquette: Eteek pour les éditions Madrépores
ISBN : 9791092894059
Diffusion distribution : www.caledolivres.nc 

L’ouvrage

À l’occasion du Silo 2016, les éditions Madrépores éditent un tout nouveau recueil de seize nouvelles de Déwé Gorodé où s’entremêlent souvenirs nostalgiques, valeurs traditionnelles et combat militant pour l’avenir du pays.

Après L’Agenda et Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier (réédités par Madrépores l’an passé),  et Le Vol de la parole, avec Weniko Ihage (Édipop, 2002), La Vieille Dame est son quatrième recueil de nouvelles, un genre qu’elle affectionne tout particulièrement. Là encore, il y est question de transmission familiale et d’engagement politique, sur fond de conflit minier, d’amours interdites, transgressives ou passionnelles et de liens intangibles entre les vivants et les morts qui nous rappellent que rien ne peut délier une promesse faite aux ancêtres.

L’auteure

Déwé Gorodé


Déwé Gorodé (noté Gorodey par l'état civil) est née le 1er juin 1949, dans la tribu de l’Embouchure, à Ponérihouen, un village de la côte Est de la Nouvelle-Calédonie. Auteure de nombreuses poésies (Sous les cendres des conques, Dire le vrai) et de nouvelles (Utê mûrûnû, L'Agenda, Le Vol de la parole, La Vieille Dame), elle s’essaye au théâtre avec Kënâké 2000, pièce présentée au public en l'an 2000 (mais non publiée).

Femme militante et engagée, elle participe à la création du Palika en 1976. Professeur de français et de paicî en collège, pendant de nombreuses années, elle a également enseigné la littérature océanienne à l’université de Nouméa en 1999. Cette même année, elle est l’une des deux premières femmes élues de l’Uni-FLNKS à l’assemblée de la Province Nord, et se voit confier la direction de la Culture, de la jeunesse et des Sports au conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Elle est régulièrement réélue.

Déwé Gorodey était membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, chargée de la Culture, de la Condition féminine et de la Citoyenneté jusqu'à son retrait de la vie politique en 2019.
.


Voir l'article Bibliographie de Déwé Gorodé

NOUVELLES
Édipop & Grain de Sable, Nouméa, 1994, rééd. Madrépores, 2015.

L’Agenda, nouvelles,
Grain de Sable, Nouméa, 1996, rééd. Madrépores, 2015.

La Vieille Dame, nouvelles,
Madrépores, Nouméa, 2016.

ROMANS
Madrépores, Nouméa, 2005.

Madrépores, Nouméa, 2009.

Sommaire

Par temps de pluie

La promesse aux ancêtres

Contestataires de service

 

Corruption, emploi fictif, travail au noir et emploi local

 

Trois fois de suite…

 

Comme en plein jour entre les fruits roses d’un pommier kanak

 

Petit clin d’œil à Carmen

 

Au salon

 

Un rêve d’ao ou le destin d’Alina

 

La perruque

 

Trois portables

 

D’une maison à l’autre, la famille élargie

 

« La vieille dame »

 

« Ce n’est jamais fini »

 

Chambre close

 

À ciel ouvert

Extrait

Alors que je replaçais bien l’oreiller de ma grand-mère dans le grand lit blanc de sa chambre d’hôpital, je nous revoyais toutes les deux, à l’aube sur les sentiers de nos champs où elle me citait tous les noms des oiseaux qui chantaient au jour et rythmaient notre marche par leur trilles. Ou alors, c’étaient ceux des insectes. Mais j’aimais surtout ceux des plantes qui tantôt se redressaient sous la rosée, offraient leurs fleurs au soleil, ou résistaient à la chaleur de midi. « Comme nous, avec le sang dans nos veines, elles ont leur sève pour ne pas mourir. C’est pourquoi nous devons aussi les respecter et en prendre bien soin, comme elles nous guérissent de nos maladies », me disait ma grand-mère, maintenant affaiblie et allongée, qui me gratifiait encore de son doux sourire immuable.

 

Je lui caressai les joues et finis de brosser et d’arranger sa belle chevelure libre et épaisse se confondant avec la blancheur de la taie d’oreiller.

 

Elle me conseilla une fois encore sur le respect, le partage et l’humilité dans notre vie avec les autres. Et comme elle savait que, parfois, avec les autres jeunes du clan, nous suivions nos aînés dans les réunions de notre parti et du front de libération nationale, elle m’encouragea également, comme elle avait coutume de le faire, là-bas, dans notre case ou sur une vieille natte à l’ombre des arbres bordant nos champs.
Elle me disait qu’il me fallait toujours trouver du temps pour écouter la parole et suivre le chemin du peuple dans son combat pour notre cause. La terre et la liberté.

 

La terre qu’elle m’a appris à piocher, à émotter et à préparer pour l’igname et le taro. La liberté pour la femme qui travaille comme un homme pour nourrir le clan et ses enfants.

 

« Quand tu viens au monde, on t’apprend d’abord à faire ta part de travail pour ne pas être inutile et te perdre dans le désordre de la vie sur terre. Maintenant, je vais bientôt la quitter. Et quand je ne serai plus là, à ta majorité, tu toucheras à ton petit carnet où nous avons épargné toutes les deux pendant tout ce temps. »

 Je n’aimais pas trop l’entendre parler ainsi car je ne pouvais alors m’imaginer la vie sans elle."


Extrait de la nouvelle « Ce n’est jamais fini », in La Vieille Dame, Déwé Gorodé, 2016.

 


27/09/2015

L'Agenda






L’AGENDA


Déwé Gorodé


Recueil de nouvelles

Dépôt légal: octobre 2015
Nombre de pages : 124
Format : H 20 x L 13 cm
Prix : 15 euros / 1 800 francs CFP
Photographie de couverture : une libellule rouge (Diplacodes haematodes),
photographiée par Nicolas Petit, 2008.
ISBN : 979-10-92894-028
Diffusion distribution : https://caledolivres.nc/
Commande en ligne


À l’occasion du Silo 2015, les éditions Madrépores rééditent les deux premiers recueils de nouvelles de Déwé Gorodé qui avaient fait l’objet d’une première édition par l’association culturelle Édipop et les éditions Grain de Sable.
L’Agenda est le deuxième recueil de nouvelles de Déwé Gorodé, paru en 1996 : il est aujourd’hui réédité avec deux textes inédits : « La Robe de mariée » et « La Libellule rouge », qui surgissent comme de nouveaux échos aux textes préexistants.

Ancrées dans un questionnement sur l’origine, la descendance, le lien à la terre face aux aspirations contemporaines, ces nouvelles témoignent d’un certain rapport au monde, transmis de génération en génération…


Douze nouvelles à découvrir

La case
Une dame dans la nuit
Où vas-tu Mûû ?
Affaire classée
Le passeur
Rencontres
J’use du temps
Benjie, mon frère
La robe de mariée (inédite)
L’agenda de Lida
La libellule rouge (inédite)

Extrait de la nouvelle « La case », in L’Agenda

« La case de grand-père est sans doute l’une des images les plus limpides qui me restent de mon enfance. En ma mémoire, cette image est toujours aussi lumineuse qu’une matinée ensoleillée de Kanaky, près de la mer. Elle a laissé en moi une impression de clarté et d’immensité. Elle paraissait si grande, alors, à la fillette que j’étais. Si bien qu’aujourd’hui, je me souviens d’elle quand j’essaie de compter les étoiles au clair de lune ou de situer la ligne d’horizon séparant, là-bas, le ciel azuré du bleu Pacifique. Et la grande case me renvoie l’image d’une minuscule fourmi face au monde, à l’univers.
Elle était là, ronde, immense matrone perchée sur une petite butte entourée de grosses pierres bâties, au bout de l’allée bordée de hauts cocotiers. Une ancienne allée de pins colonnaires, plus large, s’étalait là, derrière celle des cocotiers, autre trace vivante des ancêtres qui vécurent ici autrefois. »

Pour en savoir plus

À lire, l’analyse d’Éric Fougère dans son article : « L'Écho de Narcisse, ou les voix du miroir: La nouvelle en Nouvelle-Calédonie » http://www.ingentaconnect.com

L'Autrice: consulter la biographie de Déwé Gorodé

Aux éditions Madrépores


NOUVELLES
Édipop & Grain de Sable, Nouméa, 1994, rééd. Madrépores, 2015.

L’Agenda, nouvelles,
Grain de Sable, Nouméa, 1996, rééd. Madrépores, 2015.

La Vieille Dame, nouvelles,
Madrépores, Nouméa, 2016.

ROMANS
Madrépores, Nouméa, 2005.

Madrépores, Nouméa, 2009.