16/10/2019

Le Souffle des invisibles

  



Le Souffle des invisibles




Sylvain Derne
Prix Michel Lagneau

Roman

Dépôt légal: septembre 2019
Nombre de pages : 124
Format : H 20 x L 13 cm
Prix : 1 800 francs CFP HT
Maquette: Eteek pour les éditions Madrépores
ISBN : 979-10-92894-09-7

L’ouvrage




Maek quitte soudainement le domicile de sa compagne Carole et leur quotidien provincial, pour aller quérir sa liberté à la capitale.

À Paris, le quadragénaire kanak, touche-à-tout exubérant qui s'est exilé en Europe vingt ans auparavant, retrouve au fil d'une semaine mouvementée quelques têtes connues de la « diaspora océanienne ».

Il accepte en chemin un curieux défi : convaincre le vieux Samy de rentrer au pays. L'ancien compagnon d'échappée, devenu sans-abri, s'est résolument « fixé au pavé comme un bénitier sur le platier »...
Extrait



Sur les klaxons lointains et le grondement de la ville qui jouaient en sourdine l’immuable partition de millions d’anonymes, un soliste avait commencé à poser une mélodie familière. Des bribes de son chant allaient et venaient autour de la tente. Les paroles se firent plus nettes, atteignant soudain la conscience de Maek dans son demi-sommeil. Il sentit la tente trembler, puis une grosse paluche tâtonner en pratiquant l’ouverture. La trogne enjouée de l’aîné lui apparut, tout auréolée d’une lumière matinale éblouissante. « On dirait un sauveteur qui viendrait me tirer des décombres dont je suis prisonnier », songea Maek, se sentant incapable de bouger. « Ce sont les vivants en surface qui envoient Samy pour me tirer du royaume des morts. » Les pensées macabres lui venaient souvent au réveil. Il fallait généralement le café inaugural pour en dissiper l’arrière-goût.
« Tu te mets aux taperas, toi le mécréant ? demanda finalement Maek, la voix enrouée.

Debout ! ignora l’hôte. Je suggère de se lever, il faut se préparer pour affronter la journée, prononçait-il de son débit à la fois posé et tout en saccades. On doit plier la tente avant d’être emmerdés.


Cet ouvrage a été publié avec l’aimable concours des imprimeries Artypo, mécène du prix Michel Lagneau, en partenariat avec la maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie, la bibliothèque Bernheim, l’ADAMIC, l’ADCK-centre culturel Tjibaou et les éditions Madrépores.
  
Les précédents lauréats du prix Michel Lagneau:
Le Poids des rêves, Samir Bouhadjadj, 2007.
L’Hom Wazo, Dora Wadrawane, 2009.
Chroniques de la mauvaise herbe, Vincent Vuibert, 2013.
Sang mêlé, Patrick Zaoui, 2016.


L’auteur


Roland Rossero, parrain du prix Lagneau 2018, annonçant la victoire de Sylvain Derne
au SIlO 2018, au centre culturel Tjibaou.
Cliché Delphine Mayeur, MDL


Né à Hyères, dans le Var, en 1985, Sylvain Derne grandit à Païta où sa famille s’installe alors qu’il n’a que quatre ans. C’est là qu’il noircit ses premiers feuillets. « Très tôt, quand je me suis retrouvé devant une page blanche avec des feutres et des crayons, j'ai eu la sensation d'une liberté grisante, infinie. On s'échappe dans le monde qu'on invente. À force, le besoin "d'élucubrer" devient une seconde nature ! »

Il découvre très jeune l'écrivain italien Dino Buzzati et son roman illustré La Fameuse Invasion de la Sicile par les ours (1945), puis Le Désert des Tartares (1940), deux livres qui le fascinent et ancrent son envie d’écrire. « Le premier parce qu'il s'y passe toutes sortes de choses manifestement absurdes, mais auxquelles on croit volontiers (des congrès d'animaux en train de discourir sur l'état du monde...) Le deuxième parce que c'est un roman d'inaction, narrant l'at-tente vaine d’une bataille qui ne se livrera... qu'après la fin du récit. À partir de cet apparent néant, l'écrivain fait une brillante démonstration que l'on peut tout à fait happer un lecteur par la psychologie d’un personnage. » 


Bac en poche, il poursuit des études de journalisme à Montpellier, puis à Paris. En 2011, il collabore au scénario du projet Imulal, une terre, des racines et des rêves, du réalisateur kanak Nunë Luepack, consacré à la jeunesse calédonienne partie se former loin du Caillou. Ils remportent le prix du meilleur pitch au FIFO 2012 et le Grand Prix de la Sélection Pacifique au Festival international du cinéma des peuples Ânûû-rû Âboro, à Poindimié. 

L’année suivante, il signe avec François Teste un documentaire radiophonique d’une heure pour France Culture intitulé Les Cartes et la Mémoire. Une évocation du travail de cartographie de l’IGN réalisé à partir de photos aériennes, dans lequel son propre grand-père a fait sa carrière.
Depuis Paris, il produit et présente, en 2014, l’émission radio Décalage horaire, diffusée sur NC 1ère, parcourant le territoire métropolitain à la rencontre des Calédoniens de l'Hexagone, exilés pour « étudier, servir l’armée, travailler, se soigner ou fuguer… »
C’est aussi à Paris qu‘il rencontre Faustine qui deviendra sa compagne, et avec laquelle il s’embarque pour le Canada : ensemble, deux ans durant, ils parcourent la Colombie-Britannique, sillonnent les prairies de l'Alberta et du Saskatchewan, explorent Montréal et même Seattle aux États-Unis.
En résidence d’écriture au château Hagen. Cliché Province Sud.

Durant cette courte période, il vit de petits boulots dans un centre équestre, une ferme d'huîtres, ou une radio, CILS FM, minuscule station communautaire francophone de Victoria. À Montréal, il fréquente assidûment la bibliothèque nationale du Québec, travaillant à des textes personnels, qu’il peaufine dans des ateliers d’écriture. 
 
Début 2018, il revient, avec sa compagne, s’installer sur le Caillou. Il y collabore avec divers médias en tant que journaliste-pigiste ou rédacteur dans un service de communication institutionnelle, mais projette de s’impliquer dans des projets à caractère plus culturel. « J'ai une obsession maladive : éviter la routine. » Un clin d’œil à l’officier Giovanni Drogo, surveillant en vain le désert des Tartares d’où aucun ennemi ne surgit.

Le Souffle des invisibles gagne les faveurs du jury de l’édition 2018 du prix Michel Lagneau. « Avec ce texte, j'entendais rendre hommage à plusieurs compagnons d'échappée avec lesquels j'ai traîné en France. Certains n'ont jamais remis les pieds sur nos îles depuis les années 1980, mais ils restent de magnifiques ambassadeurs de leur culture. »

En 2018, Sylvain Derne est également le lauréat de la résidence d'écriture au Château Hagen attribuée par la province Sud. Il y travaille sur son prochain ouvrage : « Une sorte de carnet de voyage qui entremêlerait le vu, le ressenti avec l'imaginé, le lu, le raconté, par des personnes croisées un instant. Le décor est nord-américain, inspiré de nos deux années de nomadisme au Canada. »

Depuis octobre 2018, Faustine et Sylvain sont « les parents extatiques et crevés d'une petite Diane qui se marre déjà beaucoup ».

Le Souffle des invisibles est son premier ouvrage publié.